30 Kasım 2024 Cumartesi

Toplumsal hafıza silinsin isteyen azgın azınlığa Atatürk adı batışıma yapıyor.

İyi Fransızcası olan bir arkadaş bu sayfayı çevirmeye zamanı olursa biz de öğreneceğiz.

Zira Arapça olarak resimde 19. yy sonu Selanik görüntüsü deniyor ve Mustafa Kemal hakkında otomatik çeviri hatalı ifadeler kullanıyor. 

Ya da ben yanılıyorum. 

Örnek olarak verirsem otomatik çevirici bir bölümü şöyle çevirmiş.

Bu tür sorunlar, Müslümanların henüz soyadının olmadığı Osmanlı toplumunda yaygındı; bu, Mustafa Kemal'in çok daha sonra, 1934'te tanıtacağı bir yenilikti. Öğretmen, "olgunluk" veya "mükemmellik" anlamına gelen Kemal'i önerdi. Aynı zamanda, genç Osmanlıların, Sultan Abdülaziz (1861'den 1876'ya kadar hüküm süren) ve II. Abdülhamid'in (1876-1909) mutlakiyetçi rejimlerine karşı mücadelenin şampiyonu ve şehidi olarak saygı duyduğu, önde gelen vatansever şair Namık Kemal'in de adıydı. . Mustafa bu teklifi sevinçle kabul etti. 

Kaynaklarından da silinmiş olduğu için yazıyı buraya da alayım istedim.

Toplumsal hafızamızı silme görevlisi facebook hiç sormadan yazıyı kaldırmış, ne halt buldu derseniz içinde Atatürk kelimesi geçmesi yetiyor.

30.11.2023

A. Dursun 


L’ancienne capitale macédonienne de Salonique a vu passer de nombreux souverains autoritaires. Les Turcs ottomans qui, au xive siècle, dominaient l’Anatolie et les Balkans ne furent que les derniers d’une longue et illustre série incluant les Macédoniens, les Romains, les Byzantins, les Normands, les Lombards et les Vénitiens. Cependant, quand les Ottomans conquirent la ville pour la seconde fois en 1430, ils ne manifestèrent guère d’indulgence pour le passé. Au terme de trois jours de pillages, il ne restait que 2 000 habitants dans les ruines de l’ancienne cité. Ces survivants furent bientôt rejoints par un millier de nomades turcs venus de l’est, et le tissu social de Salonique s’en trouva modifié pour toujours*1. Ainsi fut fondé ce qui devint la ville la plus cosmopolite de l’Empire ottoman, celle qui, beaucoup plus tard, servirait d’improbable décor à l’enfance de l’architecte de la Turquie moderne.

L’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal à la fin du xve siècle suscita une seconde vague de migrations cruciale pour le développement de la ville. Alors que des milliers de juifs affluaient vers l’Empire ottoman, les autorités décidèrent de les orienter pour une large part vers Salonique, appelée de ce fait à devenir l’un des pôles majeurs du judaïsme est-européen et méditerranéen. La ville abritait déjà une petite communauté ashkénaze avant la conquête ottomane. Mais ce fut l’afflux d’un grand nombre de Séfarades qui en fit la seule ville européenne de taille importante où les juifs étaient majoritaires. La communauté juive de Salonique était également exceptionnelle par sa composition. Lorsqu’en 1666 le prétendant messianique Sabbataï Tsevi se convertit à l’islam pour éviter d’être exécuté, une grande partie de ses disciples, voyant dans sa conversion l’étape finale avant la réalisation de la prophétie messianique, suivirent son exemple*2. Tout en professant publiquement leur adhésion à l’islam, ils continuèrent de pratiquer les rituels juifs dans la clandestinité. Ainsi naquit la communauté dönme ou sabbatéenne (en hébreu : ma’amin, « croyant »). Constituant une composante bien particulière de la Salonique ottomane, méprisés à la fois par les juifs et par les musulmans, les dönme étaient considérés comme des musulmans par les autorités ottomanes pour les questions administratives et fiscales.

À la fin du xixe siècle, la ville était composée de trois principaux groupes religieux habitant trois quartiers distincts, à savoir environ 49 000 juifs, 25 500 musulmans (dönme inclus) et 11 000 Grecs orthodoxes*3. Ces catégories confessionnelles masquaient une grande diversité ethnique – entre juifs séfarades et ashkénazes ; entre musulmans turcs, albanais, bosniaques, tsiganes et dönme ; entre orthodoxes grecs, bulgares, koutzo-valaques et albanais ; sans oublier de petites communautés d’Albanais catholiques, d’Arméniens et de Serbes. De plus, Salonique comptait une importante population européenne non ottomane, composée de quelque 7 000 ressortissants britanniques, français, italiens, russes et espagnols, ainsi qu’un certain nombre de légations étrangères incluant les consulats américain, danois, hollandais et suédois. Cette tour de Babel moderne résumait la dimension cosmopolite de l’Empire ottoman mieux que toute autre ville, à l’exception possible de la capitale impériale, Istanbul.

Il n’est donc pas surprenant que Salonique ait été un terreau fertile pour les mouvements nationalistes qui se propagèrent à travers les provinces européennes de l’empire au xixe siècle. Lorsqu’en 1821 les Grecs du Péloponnèse entamèrent leur guerre d’indépendance contre la domination ottomane, les Grecs de Salonique se soulevèrent pour soutenir leurs frères, mais furent rapidement réprimés par l’administration ottomane*4. Un demi-siècle plus tard, en 1870, l’intelligentsia bulgare de Salonique apporta un soutien décisif à l’établissement de l’exarchat autocéphale bulgare, une église dissidente de l’orthodoxie grecque*5. Ce défi nationaliste et religieux à la domination grecque sur la chrétienté orthodoxe suscita dans la province de violents affrontements entre Grecs et Bulgares*6. Huit ans plus tard, après la guerre russo-ottomane de 1877-1878, les Ottomans cédèrent une grande partie de la Macédoine – l’arrière-pays de Salonique – à la nouvelle principauté autonome de Bulgarie. Si la Macédoine fut finalement restituée aux Ottomans par le congrès de Berlin (1878) – à condition que ces derniers missent en place des réformes favorables aux chrétiens –, Salonique, comme d’autres villes de la région, se transforma en champ de bataille entre mouvements nationalistes rivaux. L’organisation de guérilla révolutionnaire macédo-bulgare VMORO (Vnatrešna makedonsko-odrinska revolucionerna organizacija, ou Organisation révolutionnaire macédonienne adrianopolitaine de l’intérieur) fut fondée à Salonique en 1893*7, tandis que le consulat hellénique de la ville devint le quartier général des milices armées par la Grèce dans la région*8.

Tout comme les autres villes de l’empire, Salonique fut profondément affectée par l’ambitieux programme de réformes lancé par le gouvernement ottoman à partir du milieu du xixe siècle. Communément désignée sous le nom d’ère des Tanzimat (1839-1876), cette période fut marquée par des efforts soutenus pour moderniser l’État ottoman. Les réformes, menées par une classe de bureaucrates professionnels, avaient pour but de mettre en œuvre de nombreux changements, allant de l’introduction de l’égalité des droits entre les différents groupes confessionnels au remaniement en profondeur de l’administration impériale. Pour trouver un modèle à ces changements, les réformateurs regardaient principalement vers l’Europe. Ils cherchaient à reproduire les réformes mises en œuvre par Pierre le Grand en Russie, le grand empire rival du Nord, à imiter le génie politique du prince Klemens von Metternich, à suivre l’Angleterre sur la voie de l’industrialisation, à s’inspirer de la philosophie des Lumières, de la codification du droit et de la centralisation administrative pratiquées en France. En somme, ils aspiraient à occidentaliser l’empire et à entrer en tant qu’égaux dans le club post-napoléonien des États européens.

À cette fin, ils fondèrent un grand nombre d’institutions administratives et éducatives. Ils introduisirent des idées nouvelles qui révolutionnèrent les conceptions dominantes et transformèrent les relations entre les communautés. Dans l’ensemble, ces réformes modifièrent drastiquement l’organisation de la société et de l’administration ottomanes. Cependant, les réformateurs ne trouvèrent ni souhaitable ni possible d’affronter et de détruire l’ordre ancien pour ouvrir la voie à un ordre nouveau. Au lieu de cela, ils permirent aux vénérables institutions héritées du passé de survivre aux côtés des nouvelles, avec l’espoir qu’elles viendraient naturellement à disparaître face aux avantages évidents du progrès. Par exemple, le gouvernement établit un nouveau système de tribunaux régis par des codes de lois adaptés des sources européennes, mais il n’abolit pas pour autant les tribunaux religieux régis par la charia. De la même façon, s’il introduisit un nouveau système scolaire calqué sur le modèle français, l’ancien système éducatif à base confessionnelle et communautaire persista.

À Istanbul et dans les villes des Balkans telles que Salonique, le mouvement de réformes favorisa l’émergence d’une bourgeoisie musulmane fortement occidentalisée. La maîtrise des manières, des mœurs, des langues et des sciences européennes, toutes réunies sous l’étiquette alla franca, était la condition préalable pour appartenir à cette élite, ainsi que la clef de la réussite et de l’ascension sociales. En retour, cette élite nouvelle accueillait les réformes à bras ouverts*9. On ne peut en dire autant des masses musulmanes, qui y voyaient surtout des machinations européennes destinées à leur faire perdre leurs privilèges au profit des non-musulmans. Ainsi, les réformes creusèrent un fossé au sein même de la communauté musulmane entre les masses religieuses et une élite sécularisée. Tandis que la bureaucratie embrassait avec enthousiasme les mœurs européennes, les pieux musulmans craignaient de perdre du terrain face aux chrétiens sur le plan commercial et moral. En 1876, à Salonique, des musulmans lynchèrent les consuls français et allemand en tentant d’arracher à une foule chrétienne rivale une jeune fille bulgare grecque-orthodoxe qui souhaitait se convertir à l’islam*10. Des tentatives répétées des Grecs et des Bulgares pour remplacer les cloches d’église en bois – marqueurs historiques du mépris et de l’infériorité dans lesquels les chrétiens étaient tenus – par des cloches en métal aboutirent à des affrontements tout aussi violents.

Naturellement, les réformes des Tanzimat rencontrèrent la résistance farouche du clergé musulman. Les raisons de l’opposition des élites religieuses non musulmanes sont moins évidentes. Par leur ambitieux effort de restructuration interne des différentes communautés, les réformateurs ottomans menaçaient l’autorité de l’ensemble des élites cléricales. Mais, au lieu de déclarer une guerre frontale à des élites fortement enracinées, qui géraient les affaires quotidiennes de leur communauté depuis des siècles, ils adoptèrent une subtile stratégie de contournement consistant à favoriser les éléments laïcs, chargés en leur nom, au sein de chaque communauté, de mettre en œuvre le programme de sécularisation et de modernisation. Ainsi, les clercs obscurantistes furent systématiquement privés de leur pouvoir. Dans le même temps, le gouvernement imposait une législation qui s’appliquait à tous, mettant fin par là à des siècles d’autonomie. La promotion des éléments laïcs et progressistes au sein des communautés religieuses, combinée aux efforts de l’administration pour créer des institutions universelles, altéra considérablement la vie des diverses communautés et de la société en général. Bien que l’un des buts principaux des réformes fût de combattre le séparatisme ethnique en centralisant l’administration impériale, l’émergence d’une intelligentsia laïque dotée d’un pouvoir sur les affaires communautaires allait paradoxalement donner de l’élan aux mouvements nationalistes qui se faisaient jour*11.

L’un des terrains de confrontation les plus sensibles entre laïcs et clercs fut la question des programmes scolaires. Tandis que les premiers prônaient l’adoption urgente de programmes séculiers afin de préparer le mieux possible la nouvelle génération au monde moderne, mais aussi d’encourager les sentiments nationalistes au sein de leur communauté, les seconds se battaient pour préserver le fondement religieux de l’enseignement. Les nouvelles réglementations sur l’éducation, adoptées en 1869 sous l’influence des réformes laïques introduites par Victor Duruy en France, dessinèrent les contours d’un nouveau système comprenant des écoles primaires, des collèges et des lycées, ainsi que des facultés. On y prodiguait une éducation moderne intégrant les langues étrangères. Un cursus militaire fut également mis en place du collège aux écoles supérieures. Enfin, des communautés ou des individus étaient autorisés à établir leurs propres écoles*12.

Salonique fut particulièrement affectée par les Tanzimat en raison de son importance pour le gouvernement – comme en témoigne la visite exceptionnelle du sultan Abdülmecid (qui régna de 1839 à 1861) en 1859 –, ainsi que de son caractère cosmopolite, qui rendait fort visibles les conséquences des réformes sur les communautés non musulmanes de l’empire. De plus, l’afflux dans la ville de capitaux européens (y compris juifs) se révéla favorable aux réformateurs locaux soucieux d’améliorer les infrastructures urbaines, ce qui ne fit qu’accélérer le rythme du changement. La loi sur les provinces édictée en 1864 entraîna une restructuration de l’administration provinciale et l’établissement d’administrations municipales sur le modèle français. Ainsi, la nouvelle municipalité de Salonique décida la démolition des digues de la ville et draina les marais des alentours dans les années 1870. L’éclairage au gaz fut introduit en 1881 par une compagnie britannique, tandis que l’électricité fut installée en 1899. En 1890, un grave incendie détruisit les quartiers juifs les plus pauvres et les quartiers attenants, ce qui offrit l’occasion d’élargir les rues. En 1893 apparurent les tramways hippomobiles : c’était la cinquième ligne de tramway de l’empire et la première dans les Balkans*13. Une nouvelle ligne de télégraphe relia Salonique à Istanbul ainsi qu’à d’autres centres importants. Il en alla de même pour le chemin de fer : une ligne fut ouverte entre Salonique et Mitrovitza en 1870, puis prolongée jusqu’à Skopje, Monastir et Istanbul. L’essor des échanges commerciaux avec l’Europe joua aussi un grand rôle dans l’expansion de la ville. Salonique devint le principal débouché maritime des Balkans pour les exportations et le quatrième port de l’empire après Izmir, Istanbul et Beyrouth. Outre la flotte commerciale, elle était quotidiennement desservie par de nombreux navires ottomans, grecs, égyptiens et européens. La Banque impériale ottomane y ouvrit une succursale en 1864, rapidement imitée par la Banque de Salonique et la Banque agricole (banque officielle de l’État). L’apparition de petites manufactures de matériaux de construction, de vêtements, de tabac, de spiritueux, de bière et de savon fit de la ville un centre industriel majeur en même temps qu’un pôle important du mouvement socialiste ottoman. La croissance industrielle attira aussi un flot de ruraux en quête de travail. Ainsi, la population de Salonique doubla entre 1839 et 1897.

Célèbre pour avoir accueilli Cicéron en exil et avoir été la ville natale de Cyrille, co-inventeur de l’alphabet glagolitique et co-traducteur de la Bible en vieux-slave, Salonique connut une véritable renaissance culturelle à l’époque des Tanzimat. Ce fut particulièrement remarquable dans le domaine du livre. La première maison d’édition hébraïque des Balkans fut fondée dans cette ville en 1512, mais elle publiait principalement des traités religieux*14. Une maison d’édition turque y vit le jour en 1727, mais fit long feu. En revanche, la période des réformes fut marquée par l’apparition de nombreuses maisons d’édition plurilingues, mais aussi de journaux et de revues. Judah Nehama lança le quotidien El Lunar (Le Mois) en 1864 ; il fut suivi en 1869 par le Selânik (Salonique), journal officiel de la province publié en turc, bulgare, grec et judéo-espagnol. Le premier journal grec de Salonique, Hermes, fut fondé en 1875. Le quotidien indépendant turc Zaman (Le Temps) se fit l’écho des débats intellectuels à partir de 1880. La parution d’Asır (Le Siècle), appelé à devenir l’un des principaux quotidiens de province de l’empire, commença en 1895*15. Les intellectuels musulmans produisirent de nombreux journaux, tels Gonce-i Edeb (Le Bourgeon des lettres), Mecelle-i Mu‘allimîn (Le Journal des enseignants), Mezra‘a-i Maarif (Le Champ de l’éducation) ou encore Tuhfetü’l-Edebiye li-Evlâdi’l-Vataniye (Le Don de la littérature aux enfants de la patrie).

Le système scolaire de Salonique connut également des évolutions importantes. De nouvelles institutions apparurent, offrant une éducation moderne que les plus traditionnels refusèrent d’adopter. Les vieilles écoles du xvie siècle, comme la médressé Yakub Pacha, le séminaire talmudique ou l’école de grammaire grecque, s’étaient maintenues à l’écart des défis de la modernité. Quand le sultan Abdülmecid, lors de sa visite, n’accorda d’audience qu’« à ceux des notables juifs avec lesquels il pouvait converser en français, laissant le rabbinat sur la touche », l’État envoya un signal fort que le temps du changement était venu*16. Par la suite, l’Alliance israélite universelle ouvrit une antenne à Salonique en 1864 et, après de longs débats avec les rabbins locaux, qui s’opposaient avec véhémence à toute éducation non religieuse, put établir en 1873 un lycée de garçons offrant un enseignement partiellement séculier*17. Un an plus tard, la communauté juive se dota d’un établissement similaire pour jeunes filles. Celui-ci fut fondé grâce à l’aide généreuse du baron Maurice de Hirsch, qui avait financé la construction du chemin de fer entre Salonique et Mitrovitza (son projet le plus ambitieux, la construction d’un réseau ferré de 2 500 kilomètres à travers la Turquie européenne, ne put être mené à bien)*18. De son côté, la communauté bulgare inaugura en 1869 la première école chrétienne laïcisée*19. En 1875, la vieille école de grammaire grecque abdiqua à son tour face aux défis de la modernité pour se transformer en lycée*20. En 1888, l’école allemande ouvrit ses portes, initialement à l’intention des enfants des travailleurs étrangers, mais de nombreux Ottomans, musulmans et non musulmans, y envoyèrent leurs propres enfants, espérant leur donner une meilleure éducation. Dans le sillage de la réforme de l’éducation de 1869, le gouvernement central créa un collège pour garçons, puis un collège pour filles ; un collège militaire vit également le jour.

Malgré ces remarquables développements, le clergé musulman – à Salonique comme ailleurs – conserva la haute main sur l’enseignement primaire et résista à toute tentative de réforme. Ainsi, l’école primaire continua d’incarner la tradition, refusant les méthodes, les programmes et même les équipements modernes (tableaux, pupitres, cartes…). Alors que les laïcs des communautés non musulmanes parvenaient à fonder des écoles primaires privées qui délivraient une éducation moderne, le système traditionnel demeurait la seule option pour les enfants musulmans. C’est finalement à des pédagogues issus de la communauté dönme de Salonique qu’il revint d’ouvrir les premières écoles privées musulmanes, appliquant des programmes plus modernes et insistant moins sur la religion.

Tel est donc le décor improbable dans lequel le futur fondateur de la Turquie moderne vint au monde, un jour d’hiver, en 1880 ou 1881. Ali Rıza et Zübeyde baptisèrent leur quatrième enfant Mustafa, « l’élu », l’un des titres du Prophète. Leurs trois premiers-nés étaient morts dans la prime enfance, et seule l’une des deux filles qui naquirent après Mustafa atteignit l’âge adulte. Zübeyde avait grandi dans le petit village de Sarıyar, non loin de Salonique. Son père, un certain Sofuzâde Feyzullah, travaillait pour des propriétaires terriens musulmans. La famille aurait émigré de Vodina (l’actuelle Édesse, dans le nord de la Grèce) et prétendait descendre d’une ancienne famille turcomane. Zübeyde avait reçu une éducation primaire traditionnelle et pouvait apparemment réciter le Coran par cœur. Elle était alphabétisée, ce qui était rare pour une femme musulmane à l’époque*21.

Hafız Ahmed, le grand-père paternel de Mustafa, était issu d’une famille turque locale. Il avait reçu une éducation religieuse et occupait un poste subalterne dans l’administration jusqu’à ce que sa participation aux sinistres émeutes de 1876, qui coûtèrent la vie aux consuls français et allemand, mît un terme à sa carrière. Après le meurtre des deux diplomates, les puissances européennes envoyèrent leurs flottes dans la rade de Salonique et exigèrent des autorités ottomanes que les auteurs du crime soient punis. Hafız Ahmed dut s’enfuir dans les montagnes, où il termina sa vie en exil volontaire*22. Son fils, Ali Rıza, également petit fonctionnaire, travailla dans l’administration des Fondations pieuses avant d’intégrer le service des Douanes. Désireux de doter Atatürk d’une ascendance militaire, les historiens turcs affirment souvent que, dès 1876, face à la menace d’une guerre avec la Russie, son père aurait rejoint les réservistes de Salonique*23. Or cela n’est pas avéré*24. Le dernier poste qu’il occupa dans l’administration des Douanes était lié à la lutte contre la contrebande de bois entre la Grèce et l’Empire ottoman. Théoriquement, c’était un emploi correctement rémunéré, mais, après 1878, l’État ottoman, appauvri, ne versait plus les salaires que quelques mois par an.

Fort de son expérience et de ses contacts dans le milieu, Ali Rıza, pour compléter ses maigres revenus, créa un partenariat avec un marchand de bois de Salonique. Toutefois, après un succès initial, l’entreprise périclita rapidement, victime de brigands grecs qui vivaient de l’extorsion aux dépens des marchands de bois. Après une brève reconversion dans le commerce du sel, Ali Rıza finit par se déclarer en banqueroute. Désespéré, il tomba malade et mourut à l’âge de quarante-sept ans. Ainsi, Mustafa devint orphelin de père à sept ans, et Zübeyde veuve à vingt-sept*25.

Jusqu’au décès de son père, le petit Mustafa avait vécu dans une relative aisance au sein de la classe moyenne. La famille habitait un immeuble de trois étages dans le quartier Ahmed Subaşı, l’un des mieux cotés de la partie musulmane de la ville, et pouvait s’offrir les services d’une servante noire et d’une nourrice. L’éducation de Mustafa fut plus libérale que celle de la plupart des musulmans des classes inférieures. Par exemple, personne ne pratiquait la polygamie dans son entourage amical ou familial. De même, son père consommait de l’alcool, un comportement abhorré par les conservateurs.

C’est à l’occasion d’une violente dispute entre ses parents au sujet de son éducation que Mustafa Kemal fut pour la première fois confronté au dualisme troublant que les réformes avaient introduit dans l’ensemble de la société urbaine. Dans la plupart des familles, la ligne de fracture entre les modes de vie alla franca et alla turca se superposait à celle entre les générations, opposant généralement les parents aux enfants ; chez Mustafa, elle divisait les parents. À l’instar de nombreux musulmans et dönme de la classe moyenne et supérieure de Salonique, Ali Rıza voyait dans l’éducation moderne un gage d’ascension sociale pour sa progéniture. C’est pourquoi il voulait inscrire Mustafa dans une école dönme, celle de Şemsi Efendi, où l’exercice de la pensée critique était la règle, au détriment de l’apprentissage par cœur. Ce type d’établissement était fortement influencé par le modèle français et se caractérisait notamment par l’usage de pupitres et de cartes murales ; l’accent y était mis sur les mathématiques et les matières scientifiques (quoique les matières religieuses y fussent également enseignées). Plus pieuse, Zübeyde préférait que le seul de ses fils à avoir survécu fréquente une école traditionnelle où l’enseignement, assuré par des clercs, serait centré sur la religion et la langue arabe. La dispute se solda par un compromis assez singulier. Afin de contenter sa mère, Mustafa fréquenta d’abord l’école religieuse (où il portait un exemplaire du Coran attaché contre la poitrine). Mais il n’y resta que quelques jours, le temps d’apprendre une poignée d’hymnes, après quoi Ali Rıza, considérant que sa promesse à Zübeyde avait été honorée, s’empressa de l’envoyer à l’école de Şemsi Efendi*26.

Nul doute que la grande prédilection d’Atatürk pour l’innovation doit beaucoup à ces années pendant lesquelles, comme quelques rares autres enfants à travers l’empire, il fut éduqué dans une école privée où l’emprise de la religion était faible. Les pratiques avant-gardistes de cet établissement – qui proposait par exemple des cours de gymnastique – suscitèrent la colère des conservateurs ; ces derniers réussirent occasionnellement à faire fermer l’école, voire encouragèrent des foules à la vandaliser*27. Le jeune Mustafa semble avoir beaucoup apprécié l’école de Şemsi Efendi. Cependant, le décès de son père vint mettre un terme à cette période heureuse.

La maigre pension de veuve de sa mère – 40 piastres par mois, l’équivalent d’une vingtaine d’euros de nos jours – la contraignit à retourner à Langaza, près de sa Vodina natale. Là, elle put vivre sous la protection de son oncle par alliance, Langazalı Hüseyin Ağa, qui travaillait comme intendant dans une ferme musulmane assez importante. Passant brusquement du confort urbain à la vie à la campagne, et de la classe moyenne à la quasi-pauvreté, le jeune Mustafa eut du mal à s’adapter. Rien ne le stimulait dans les tâches simples que lui confiait Hüseyin Ağa, comme chasser les corbeaux des champs de féveroles*28. L’interruption de sa scolarité attristait immensément sa mère. Certes, Mustafa fréquenta brièvement une école grecque associée à une église voisine, puis apprit quelques rudiments de turc et de calcul auprès d’un intendant albanais de la ferme où travaillait son oncle. Mais cela ne pouvait suffire à son éducation. Aussi Zübeyde décida-t-elle de le renvoyer en ville*29.

Mustafa retourna à Salonique pour habiter chez sa tante paternelle, Hatidjé. C’est alors qu’un incident malheureux le conduisit à quitter le collège de la ville : dans un accès de colère, l’un de ses enseignants le frappa violemment pour avoir participé à une bagarre entre élèves. Ensanglanté et humilié, Mustafa sortit de l’établissement pour ne plus jamais y remettre les pieds*30. L’année suivante, à l’âge de treize ans, il prit l’une des décisions les plus importantes de sa vie : contre l’avis de sa mère, il présenta secrètement sa candidature au collège militaire de Salonique. Dans ses souvenirs, Mustafa Kemal décrit la forte impression que lui faisaient depuis toujours les uniformes des cadets et des officiers*31. Son voisin était un officier supérieur dont le fils fréquentait ce collège. Lorsqu’elle apprit qu’il était accepté, Zübeyde se résigna devant le fait accompli. C’est ainsi que Mustafa embrassa la carrière militaire.

Les collèges militaires, comme leurs équivalents civils, étaient le produit des réformes. Tous les sujets de l’empire, quelle que soit leur obédience, pouvaient prétendre y entrer. Mais les campagnes du gouvernement à destination des non-musulmans révèlent que ces derniers avaient besoin d’encouragements*32. La plupart, en effet, ne considéraient pas ces institutions comme des options crédibles pour l’éducation de leurs enfants. Les collèges militaires offraient un enseignement moderne mâtiné de tradition. On y apprenait le français, mais aussi l’arabe et le persan ; l’accent était mis sur les mathématiques, le dessin et la gymnastique, mais aussi sur diverses matières religieuses. C’était, en un sens, un mélange d’éducation classique ottomane et d’instruction moderne française. L’objectif, quoi qu’il en soit, était bien de préparer la jeunesse à la vie moderne, et les concessions faites à la religion étaient surtout destinées à éviter les controverses. La principale différence entre les collèges civils et militaires tenait à la rigueur de la discipline. Tous les élèves portaient un uniforme, saluaient leurs enseignants (des officiers subalternes en majorité) et observaient une hiérarchie stricte. La compétition entre eux était entretenue par un système élaboré de classement. Pourtant, malgré l’insistance sur la chose militaire, les diplômés poursuivaient généralement leurs études dans des lycées civils. Beaucoup n’avaient aucune intention de devenir officiers.

Élève travailleur, le jeune Mustafa excellait en mathématiques, un talent qui lui valut son premier poste d’autorité. Avec le consentement des enseignants comme des élèves, il fut nommé sergent de classe, un rôle d’intermédiaire entre les élèves et l’administration. Dans le système strictement hiérarchisé des collèges militaires ottomans, c’était une fonction importante. Plusieurs années plus tard, sa mère cita d’ailleurs cette nomination comme une réussite majeure*33. Un autre événement laissa une empreinte durable sur Mustafa. Son professeur de mathématiques, qui s’appelait également Mustafa, demanda à son élève assidu d’adopter un second nom afin d’éviter les confusions. De tels problèmes étaient fréquents dans la société ottomane, où les musulmans ne possédaient pas encore de noms de famille – une nouveauté que Mustafa Kemal lui-même devait introduire bien plus tard, en 1934. L’enseignant proposa Kemal, qui signifie « maturité » ou « perfection ». C’était aussi le nom de Namık Kemal, un éminent poète patriotique que les jeunes Ottomans vénéraient comme le champion et le martyr de la lutte contre les régimes absolutistes des sultans Abdülaziz (qui régna de 1861 à 1876) et Abdülhamid II (1876-1909). Mustafa accepta la proposition avec joie*34.

Pour Mustafa Kemal, la seule ombre au tableau pendant ces années heureuses passées au collège militaire fut le remariage de sa mère. La condition de veuve dans la société ottomane musulmane n’était guère enviable. En proie à de grandes difficultés financières, Zübeyde fit le choix d’épouser un petit employé de la Régie des tabacs – un consortium créé après la faillite de l’État ottoman, en 1881, et qui détenait le monopole de la production et de la vente de tabac dans l’empire. Furieux de cette décision et d’avoir été mis devant le fait accompli, Mustafa Kemal quitta le foyer familial pour aller chez un parent éloigné*35. Après avoir obtenu son diplôme, et encouragé par ses enseignants, il présenta sa candidature au lycée militaire de Monastir (l’actuelle Bitola, en république de Macédoine), prestigieux établissement public doté d’un pensionnat. Sans surprise, il réussit l’examen d’entrée et laissa derrière lui sa ville natale pour s’installer dans une autre grande ville de l’Europe ottomane.

Être originaire de Salonique, fût-ce d’extraction modeste, était un signe de distinction dans l’Empire ottoman. Il faut en effet se souvenir que celui-ci, contrairement à la Turquie moderne, était un territoire européen autant qu’asiatique. Aux yeux des populations turcophones, la Roumélie (la partie européenne de l’empire) et l’Anatolie (l’Asie Mineure) constituaient les deux piliers centraux d’une arche dont la clef de voûte était Istanbul. Ces deux régions formaient d’ailleurs l’essentiel de l’empire avant même la prise de Constantinople en 1453, et la conquête ultérieure des pays arabes par les armées ottomanes ne modifia pas cette représentation. Or Rouméliotes et Anatoliens parlaient le turc avec des accents distincts. Le dialecte rouméliote comprenait de nombreux emprunts albanais, grecs et slaves, et il était considéré comme plus proche du dialecte stambouliote, dont le prestige était similaire à celui de la langue de la reine en Angleterre. Un étranger de passage se voyait du reste inévitablement poser la question : êtes-vous d’Anatolie ou de Roumélie ? Dans la culture populaire, les Rouméliotes passaient pour sages, charmants et bien élevés. Les Anatoliens, pour leur part, étaient réputés courageux, honnêtes et francs.

Dans une certaine mesure, en l’absence d’aristocratie impériale, les classes supérieures turques de Roumélie étaient le vivier de l’élite dirigeante. Et Salonique, en tant que principal centre urbain de Roumélie, formait le berceau de cette élite. Il paraissait normal aux habitants de Roumélie que leurs rangs fournissent à l’État davantage de cadres supérieurs que ceux de leurs homologues anatoliens. Tout comme il n’y avait rien d’étonnant à ce que des notables de Roumélie se retrouvent à la tête du mouvement insurrectionnel qui, en 1908, contraignit le sultan à rétablir le régime constitutionnel, et ainsi à partager son pouvoir avec les notables locaux. Les musulmans turcs de Roumélie exprimaient ce sentiment de supériorité en s’identifiant fièrement comme les « enfants des conquérants » (evlâd-ı fatihân). Accordé depuis 1691 aux descendants des pionniers turcs qui s’étaient les premiers installés dans les provinces européennes, ce titre était associé à d’importants avantages fiscaux et militaires*36. Traditionnellement, les « enfants des conquérants » servaient dans des bataillons spécifiques et bénéficiaient de toutes sortes de privilèges par rapport aux autres musulmans. Bien que ces privilèges aient été abolis en 1845 par les réformateurs des Tanzimat, qui cherchaient à faire disparaître les traitements spéciaux à travers l’empire, le prestige associé au titre demeurait*37. L’attrait de cette désignation à caractère ethnique en Roumélie était d’autant plus éloquent que, en Anatolie, le titre le plus prestigieux était celui de seyyid, qui traduisait une ascendance remontant au prophète Mahomet. Quant à Mustafa Kemal, il se considérait – et il était considéré – comme un membre éminent de cette caste illustre, c’est-à-dire un descendant de ces Turcs nomades dont beaucoup avaient fait souche à Langaza, d’où sa mère était originaire.

L’intérêt qu’il manifesta adulte pour l’Occident était donc intimement lié à son expérience d’enfant ayant grandi dans les provinces européennes de l’Empire ottoman. Salonique, en vérité, était l’incarnation même de l’inconfortable juxtaposition de l’ancien et du nouveau qui caractérise l’ère des réformes. Ancien, dans ce contexte, voulait dire traditionnel et religieux, tandis que nouveau signifiait européen et séculier. Ainsi, de nombreux Ottomans de cette époque considéraient l’histoire comme une lutte sans fin entre modernité et tradition. Or, à bien des égards, Salonique penchait vers la modernité. La ville abritait de nombreux cafés animés où l’on servait de la bière viennoise, des clubs littéraires où l’on causait philosophie, des théâtres où l’on donnait des tragédies, des comédies et des opérettes, une foule d’établissements scolaires et une vibrante colonie européenne. Elle avait connu une transformation majeure pendant la période des réformes et ressemblait de plus en plus à n’importe quelle cité d’Europe occidentale. La communauté musulmane, en particulier les dönme, sa composante progressiste, y avait fondé les écoles les plus avancées de l’empire. Aussi le jeune Mustafa eut-il à de nombreuses reprises l’occasion de jauger les mérites comparés de l’ancien et du nouveau, et il fit le choix pleinement consenti de la modernité.

---

*1. « Ata’nın Silueti Varken Hayvan Otlamak İhanet », Hürriyet, 1er juillet 2003.

*2. Sevilay Yükselir, « O Söz Atatürk’e Ait Değil Ama Atatürk’çe Bir Söz ! », http://www.gazeteport.com.tr/Yazarlar/News/Gp_162225, 26 février 2008, consulté le 27 février 2008.

*3. Metin Özata, Atatürk ve Tıbbiyeliler, İzmir, Umay Yayınaları, 2007 ; Mithat Atabay, Atatürk ve Meteoroloji, Ankara, DMI yayınları, 2002 ; Anıl Çeçen, Atatürk ve Avrasya, Istanbul, Cumhuriyet Kitapları, 1999 ; Cemil Sönmez, Atatürk’te Çocuk Sevgisi, Ankara, Atatürk Araştırma Merkezi, 2004.

*4. Hasan Fahri, Atatürk Bir Anti-Komunistti, Istanbul, Su Yayınları, 1978 ; Remzi Çaybaşı, Sosyalist Akım, Atatürk ve Anayasa, Istanbul, Batur Matbaası, 1967.

*5. Haydar Seçkin, Atatürk’ü Kur’anda Aradım ve Buldum, Izmit, H. Seçkin Yayınları, 1995 ; Güneş Kazdağlı, Atatürk ve Bilim, Istanbul, Beyaz Yayınları, 1998.

*6. Zeki Arıkan, « 1908 Jön Türk Devrimi ve Mustafa Kemal », Cumhuriyet, 11 septembre 2008.

*7. Voir « Dünyanın Siyasî Durumu, 27/29. IX. 1932 », Atatürk’ün Söylev ve Demeçleri, Ankara, Türk İnkılâp Tarihi Enstitüsü Yayınları, 1954, vol. 3, p. 92-94 ; et Şevket Süreyya Aydemir, İkinci Adam, vol. 2, 1938-1950, Istanbul, Remzi Yayınları, p. 83-87.

*8. Cemil Koçak, « Atatürk Hakkında Bazı Belgeler : Ali Rıza Bey, Anıtkabir, MacArtur ile Mülakat », Toplumsal Tarih, 10/119, 2003, p. 25-26.

*9. Atatürk’ün Bütün Eserleri, vol. 1-30, Istanbul, Kaynak Yayınları, 1998-2011. [NdT : la parution des quatre derniers volumes est postérieure à celle du présent ouvrage en anglais.]

*10. M. Kemal Atatürk’ün Karslbad Hatırları, Ankara, Türk Tarih Kurumu Yayınları, 1983, p. 29-61.

*11. Atatürk’ün Not Defterleri, Anakara, Genelkurmay ATASE Yayınları, 2004-2009, vol. 1-12. [NdT : la parution des trois derniers volumes est postérieure à celle du présent ouvrage en anglais.]

*12. Klaus Kreiser, Atatürk : eine Biographie, Munich, Verlag C. H. Beck, 2008.

*13. Andrew Mango, Atatürk, Londres, John Murray, 1999.

*14. Şerafettin Turan, Kendine Özgü Bir Yaşam ve Kişilik : Mustafa Kemal Atatürk, Istanbul, Bilgi Yayınevi, 2004.

*1. Speros Vryonis Jr., « The Ottoman Conquest of Thessaloniki in 1430 », in Anthony Bryer et Heath Lowry (dir.), Continuity and Change in Late Byzantine and Early Ottoman Society, Washington, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 1986, p. 281-321.

*2. Gershom Scholem, Sabbatai Ṣevi : The Mystical Messiah, 1626-1676, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1973, p. 157-159, 633-635.

*3. Meropi Anastassiadou, Salonique, 1830-1912. Une ville ottomane à l’âge des Réformes, Leyde, Brill, 1997, p. 95-97.

*4. Apostolos E. Vacalopoulos, A History of Thessaloniki, trad. T. F. Carney, Thessalonique, Institute for Balkan Studies, 1972, p. 100-101.

*5. Ivan Snegarov, Solun v bŭlgarskata dukhovna kultura : istoricheski ocherk i dokumenti, Sofia, Pridvorna Petchatnitsa, 1937, p. 77 sq.

*6. Zina Markova, Bŭlgarskata ekzarhia, 1870-1879, Sofia, Bŭlgarska Akademia na Naukite, 1989, p. 79-83.

*7. Duncan M. Perry, The Politics of Terror : The Macedonian Liberation Movements, 1893-1903, Durham, Duke University Press, 1988, p. 38-39.

*8. Douglas Dakin, The Greek Struggle in Macedonia, 1897-1913, Thessalonique, Institute for Balkan Studies, 1966, p. 199-209.

*9. Şerif Mardin, « Super Westernization in Urban Life in the Ottoman Empire in the Last Quarter of the Nineteenth Century », in Peter Benedict, Erol Tümertekin et Fatma Mansur (dir.), Turkey : Geographic and Social Perspectives, Leyde, Brill, 1971, p. 422 sq.

*10. Vacalopoulos, A History of Thessaloniki, p. 115-119.

*11. Roderic H. Davison, Reform in the Ottoman Empire, 1856-1876, Princeton, Princeton University Press, 1963, p. 131-135.

*12. « Maʿarif-i Umumiye Nizamnâmesidir », Düstûr, I/2, Istanbul, Matbaa-i Âmire, 1289 [1872], p. 184-219.

*13. Pour le renouveau de Salonique après les Tanzimat, cf. Anastassiadou, Salonique, p. 89 sq., et Alexandra Yerolympos et Vassilis Colonas, « Un urbanisme cosmopolite », in Gilles Veinstein (dir.), Salonique, 1850-1918. La « ville des Juifs » et le réveil des Balkans, Paris, Autrement, 1993, p. 158-176.

*14. Yaron Ben Na’eh, « Hebrew Printing Houses in the Ottoman Empire », in Gad Nassi (dir.), Jewish Journalism and Printing Houses in the Ottoman Empire and Modern Turkey, Istanbul, Isis Press, 2001, p. 86.

*15. Türkmen Parlak, Yeni Asır’ın Selânik Yılları : Evlâd-ı Fatihan Diyarları, İzmir, Yeni Asır, 1986, p. 113 sq.

*16. Mark Mazower, Salonica, City of Ghosts. Christians, Muslims, and Jews, 1430-1950, Londres, Harper Collins, 2004, p. 219.

*17. Ibid., p. 220.

*18. Kurt Grunwald, Türkenhirsch. A Study of Baron Maurice de Hirsch, Entrepreneur and Philanthropist, Jerusalem, Israel Program for Scientific Translations, 1966, p. 28 sq.

*19. Snegarov, Solun v bŭlgarskata dukhovna kultura, p. 60-61.

*20. Sidiroula Ziogou-Karastergiou, « Education in Thessaloniki : The Ottoman Period, 1430-1912 », in I. K. Hassiotis (dir.), Queen of the Worthy : Thessaloniki : History and Culture, Thessalonique, Paratiritis, 1997, p. 354-355.

*21. Turan, Kendine Özgü Bir Yaşam ve Kişilik, p. 19-20 ; Mango, Atatürk, p. 26-30.

*22. Şevket Süreyya Aydemir, Tek Adam : Mustafa Kemal, vol. 1 : 1881-1919, Istanbul, Remzi Kitabevi, 1981, p. 31.

*23. İhsan Sungu, « Atatürk’ün Babası Ali Efendi ve Mensup Olduğu Selânikli Asâkiri Milliye Taburu », Belleten, 3/10, 1er avril 1939, p. 289-348.

*24. Falih Rıfkı Atay, Çankaya : Atatürk’ün Doğumundan Ölümüne Kadar, Istanbul, Sena Matbaası, 1960, p. 17.

*25. Mango, Atatürk, p. 29.

*26. « Hayatına Ait Hatıralar, janvier 1922 », in Sadi Borak et Utkan Kocatürk (dir.), Atatürk’ün Söylev ve Demeçleri Tamim ve Telgrafları, vol. 5, Ankara, Türk İnkılâp Tarihi Enstitüsü Yayınları, 1972, p. 84.

*27. Marc David Baer, The Dönme : Jewish Converts, Muslim Revolutionaries, and Secular Turks, Stanford, Stanford University Press, 2010, p. 48-49.

*28. « Hayatına Ait Hatıralar, janvier 1922 », in Atatürk’ün Söylev ve Demeçleri, vol. 5, p. 85.

*29. Aydemir, Tek Adam, vol. 1, p. 48-49.

*30. « Hayatına Ait Hatıralar, janvier 1922 », in Atatürk’ün Söylev ve Demeçleri, vol. 5, p. 85.

*31. Ibid.

*32. Osman Ergin, Türkiye Maarif Tarihi, vol. 2 : Tanzimat Devri Mektepleri, Istanbul, Osmanbey Matbaası, 1940, p. 423.

*33. Aydemir, Tek Adam, vol. 1, p. 63-64.

*34. « Hayatına Ait Hatıralar, janvier 1922 », in Atatürk’ün Söylev ve Demeçleri, vol. 5, p. 85.

*35. Ali Fuat Cebesoy, Sınıf Arkadaşım Atatürk : Okul ve Genç Subaylık Hâtıraları, Istanbul, İnkılâp ve Aka, 1967, p. 7.

*36. M. Tayyib Gökbilgin, Rumeli’de Yürükler, Tatarlar ve Evlâd-ı Fâtihan, Istanbul, Edebiyat Fakültesi Yayınları, 1957, p. 255-256.

*37. Mehmet Zeki Pakalın, « Evlâd-ı Fatihân », Osmanlı Tarih Deyimleri ve Terimleri Sözlüğü, vol. 1, Istanbul, Millî Eğitim Basımevi, 1983, p. 572.

http://liseuse-hachette.fr/online/epub_content/022/9782213688022/OEBPS/chap1.html

Hiç yorum yok:

Yorum Gönder